Kavira Syalyatira Onique mariée et mère de 9 enfants est l’une des rares femmes garnisseuses de la ville de Butembo en province du Nord-Kivu, dans la partie Est de la République démocratique du Congo.
Elle exerce ce métier depuis plusieurs années. Elle travaille dans un atelier appelé « Bora Tu’ungane », situé sur rue Kinshasa au quartier Vungi dans la commune Kimemi. Cet atelier appartient à son mari. Elle fait le garnissage des chaises, toutes les marques confondues. Elle garnit plus de trois salons chaque semaine.
Elle est trop courageuse. Nous l’avons rencontré ce jeudi 28 novembre 2024. C’était sous une pluie fine qui s’abattait sur toute l’étendue de la de la ville de Butembo. Avec son marteau, sa machete et des clous, madame Kavira Syalyatira Onique utilise des planches, une machine à coudre, les matelas et autres matériels pour réajuster ses œuvres d’arts qu’elle livre à ses clients en gros comme en détail.
« Je fais le garnissage des chaises de toutes les marques, condamné (marque de chaise dont le coussin n’est pas détachable, ndlr), de la pante, salon royal toutes les différentes qualités, je fais ce travail voici environs 22 ans, je l’ai appris de mon mari », explique-t-elle.
Ce travail de garnissage exercé rarement par les femmes dans la ville ne l’empêche pas à remplir ses devoirs d’épouse et mère.
« Jai 9 enfants, tous élevés dans ce métier, je travaille à la maison comme femme de ménage, par exemple le matin et le soir, mais la journée je fais le garnissage, c’est un travail comme d’autres, bien que fatiguant », indique-t-elle.
…faire autant que les hommes
Pour madame Kavira Syalyatira Onique, il n’y a pas un métier fait pour les hommes. Pour elle, l’engagement et le courage constituent des éléments moteurs pour construire une société égalitaire et inclusive. Elle pense que la capacité de la femme réside dans son engagement.
« C’est un travail très sale toi même tu vois, c’est pourquoi les femmes ne peuvent pas l’intégrer facilement. Mais il faut seulement du courage et l’engagement. C’est un travail fatigant, les femmes n’aiment pas la saleté », ajoute-t-elle.
Kavira Syalyatira Onique est beaucoup appréciée par ses clients. Monsieur Kasereka Syauthehali est l’un des ses clients. Il est artiste menuisier et garnisseur dans un atelier voisin de celui où travaille madame Kavira Syalyatira Onique.
« Elle travaille dure, elle a déjà d’ailleurs appris ce travail à d’autres personnes, elle fait bien son travail, elle produit des chaises de bonnes qualités, vous pouvez même solliciter ses chaises en crédits », témoigne-t-il.
Son mari, Kambale Mahamba Constantin aussi menuisier et garnisseur, est très fier de l’engagement de son épouse, madame Kavira Onique au métier de garnisseur. Malgré les exigences du métier, il reconnaît que son épouse s’acquitte bonnement de ses responsabilités d’épouse et de mère.
Kambale Mahamba Constantin estime que les compétences de la femme ne peuvent pas être limitées à la simple cuisson des aliments ou aux travaux de ménage.
« On ne peut pas se concentrer seulement sur les travaux de ménage pour abandonner un travail qui soulage la famille. On ne peut pas abandonner une commande de chaises de 100 ou 500 dollars pour faire la cuisine. En limitant la femme à la cuisine on gagne combien ? Ce travail ne l’empêche pas à répondre à ses responsabilités comme mère, c’est un travail comme d’autres, il faut seulement se donner au travail et renoncer aux aventures », a-t-il déclaré.
Un héritage de la mère aux enfants
Les enfants de madame Kavira Syalyatira Onique témoignent également d’une meilleure prise en charge et de leur bon encadrement. Muhindo Osée est son deuxième fils. Il est étudiant en L2 Théologie au sein de l’Université libre des pays de Grands-Lacs (ULPGL) Butembo. Il a hérité de sa mère le garnissage avant de devenir artiste menuisier. Grâce à ce travail, il est autonome.
« Je fais la menuiserie et le garnissage, j’ai commencé à être garnisseur avant de devenir menuisier, j’ai été entraîné par ma mère dès le bas âge, après cours je la rencontrait à son lieu de travail, aujourd’hui je suis menuisier et garnisseur. Je suis autonome, j’ai une épouse, je paye mes frais académiques grâce à ce métier », indique Muhindo Osée avec un sourire aux lèvres.
Le Réseau des artistes menuisiers de Butembo vante la bravoure des femmes engagées dans ce domaine. Mumbere Muhatikani Joseph président de cette structure reconnaît les compétences dont font preuve les femmes qui oeuvrent dans ce secteur.
« Elles travaillent vraiment, nous apprécions beaucoup leur travail, elles n’ont aucune difficulté, elles travaillent bien, elles sont d’ailleurs les plus appréciées », a-t-il déclaré.
Il encourage par ailleurs les femmes à intégrer le secteur de la menuiserie afin de contribuer à la construction d’une société égalitaire et inclusive.
En ville de Butembo dans la province du Nord-Kivu, sont encore moins nombreuses les femmes qui se donnent au garnissage et à la menuiserie. Seulement 5 sont représentées au sein du Réseau des artistes menuisiers en ville de Butembo.
Claudine Mulengya depuis Butembo